Maître Houssam Othman-Farah à Bordeaux

Bail commercial

Bail commercial

BAIL COMMERCIAL: LE BAILLEUR DOIT RÉALISER LES TRAVAUX DE RACCORDEMENT DES LOCAUX AUX EAUX USÉES ET À L'ÉLECTRICITÉ FAUTE DE CLAUSE EXPRESSE METTANT À LA CHARGE DU LOCATAIRE CES TRAVAUX


Cass. 3e civ., 11 oct. 2018, n° 17-18.553,
Une société avait donné à bail à une autre des locaux commerciaux pour y exploiter une activité de fromagerie, restauration, épicerie fine avec consommation sur place et à emporter.
Les lieux n’étaient pas raccordés aux eaux usées et ne bénéficiaient pas non plus d’un branchement électrique.
La locataire, après avoir réalisé les travaux de raccordement, apparemment avec l’accord de la bailleresse, agissait en justice contre cette dernière, en remboursement du coût des travaux de mise en conformité qu’elle avait réalisées dans les locaux, en remboursement des loyers payés pendant la période où, faute de raccordement au réseau électrique, elle n’avait pu exercer son activité et en réparation du préjudice d’exploitation subi.
Aux termes de l’article 1719 du Code civil, « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° de délivrer au preneur la chose louée (…) ;
2° d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; (…) ».
Ces dispositions n’étant pas d’ordre public (sauf pour les baux d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989), il est admis que les parties peuvent y déroger par une clause expresse dans le bail.
Cette clause devra cependant être très précise pour pouvoir exonérer le bailleur de ses obligations.
En l’espèce, d’après les stipulations du bail, le preneur déclarait prendre les locaux « dans l’état où ils se trouvent lors de son entrée en jouissance sans pouvoir exiger de travaux de quelque nature que ce soit, ni remise en état de la part du bailleur ». Il déclarait également faire son affaire personnelle de toutes démarches en vue d’obtenir les branchements desdits équipements et installations de toute nature nécessaires à l’exercice de son activité.
La cour d’appel en avait déduit que « les parties ont entendu, par des clauses claires et précises, transférer au preneur la charge du raccordement du local et ce dernier succombe à démontrer une défaillance du bailleur à ce titre ».
Son arrêt est cassé, selon la motivation suivante, rendue au visa de l’article 1719, 1° et 2°, du Code civil : « En statuant ainsi, sans constater l’existence d’une stipulation expresse du bail mettant, à la charge du preneur, le coût des travaux de raccordement aux eaux usées et d’installation d’un raccordement au réseau électrique, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
En d’autres termes les clauses contenues dans le bail n’étaient pas suffisamment précises pour permettre d’en déduire que les parties avaient convenu de mettre à la charge de la locataire les travaux litigieux de raccordement des lieux aux eaux usées et à l’électricité.
Si la solution était évidente s’agissant de la clause dite « d’acceptation des lieux en l’état » (voir par exemple : Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n° 00-19.037 ; Cass. 3e civ., 2 juill. 2003, n° 01-16.246 ; Cass. 3e civ., 20 janv. 2009, n° 07-20.854 ; Cass. 3e civ., 10 déc. 2008, n° 07-20.277 ; Cass. 3e civ., 2 juill. 2013, n° 11-28-496), elle l’était moins s’agissant de l’autre clause invoquée par la bailleresse.
Interprétée strictement, la clause ne prévoyait en effet pas que la locataire acceptait de prendre en charge le coût des travaux de raccordements du local aux eaux usées et à l’électricité, mais simplement d’accomplir « toutes démarches en vue d’obtenir les branchements desdits équipements et installations de toute nature nécessaires à l’exercice de son activité ».
Cet arrêt n’est que la confirmation de la tendance actuelle de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui contrôle que les juges du fond veillent à interpréter strictement les clauses invoquées par un bailleur pour prétendre être déchargé de son obligation de délivrance.
Les rédacteurs des baux commerciaux devront ainsi se montrer particulièrement attentifs s’agissant de ce type de clauses.